L’étude des traces gravées en Ubaye est indissociable de celle des activités humaines dans cette région.
Ces activites font face à deux contraintes : la pauvreté et la rudesse des conditions de survie.
Dans un contexte difficile :l’individu capitule, s’en va ; ou bien se bat…
A ce titre, l’émigration relève aussi de l’inventivité, en particulier par son caractère de pari sur le pays d’accueil , sur l’avenir.
L’inventivité est indissociable de l’acceptation d’un risque.
Trop peu de chercheurs ont prêté attention à des traces, des documents, prématurément classés comme des « curiosités », des passe-temps de désoeuvrés ou encore l’oeuvre de simplets, en oubliant la nécessité.
Pierre Martel, dans :
« L’Invention Rurale » -N°s 69/70 de la Revue des Alpes de Lumière-1980-
tente de nous faire saisir l’intérêt de ces produits conçus et élaborés sous la pression de la nécessité, souvent dans l’urgence et considérablement éloignés des produits des « primitifs » de Levi-Strauss, des bricoleurs, des « originaux » et autodidactes méprisés, incompris.
« Le patrimoine rural est un capital qui commence à peine à intéresser nos contemporains…derrière un paysage de structures, un théatre de personnes et un magasin d’accessoires pittoresques,il apporte un capital d’idées : celles qui ont permis à l’homme de créer en permanence son « nécessaire », et cela,sans grands moyens, dans un monde hostile et à la fois généreux, qu’il a su domestiquer à leur profit mutuel.
L’étude de ce patrimoine, dans ce qu’il a de plus humble et de plus quotidien, nous donne l’image d’un peuple,non pas figé, mais en initiative permanente.
Ce n’est pas un monde parfait, à proposer comme un exemple à reproduire demain.
Mais il nous apporte des principes et des techniques dont il faudra bien s’inspirer pour donner un au-delà à la société de gaspillage qui est la nôtre…
Nous nous proposons de valoriser cette société rurale d’hier,jusqu’à présent tant décriée ou reniée, et cela, non pas en alignant des séries d’objets sélectionnés pour leur intérêt artistique, pittoresque ou technique,non pas en donnant des recettes à ceux de nos contemporains qui entendraient revenir à la civilisation de la chèvre et de la besace, mais en proposant quelques réflexions sur la signification sociologique et culturelle d’un passé qui a vocation à nous faire réfléchir, sur le chemin de l’Apocalypse.
Un regard attentif sur ce passé déjà si lointain et pourtant encore si proche, peut nous amener à remettre en question beaucoup d’idées reçues sur la distinction un peu arbitraire que l’on a faite entre les « civilisations mineures » et les « civilisations avancées », ou en tous cas leur inégal intérêt.
Ce regard est porté depuis la Haute-Provence » ; il est possible qu’il aille bien au-delà… »
P.Martel
Traiter un tel sujet suppose d’avoir été dans la situation du créatif ,par nécessité, et tout le monde se trouve a un moment ou un autre, confronté à l’obligation d’improviser à partir de ce que l’on a sous la main.
(Denis Boulbès : « Les moyens du bord »-Cheminements-2006-)
Traiter de l’inventivité sans mentionner les travaux de Claude LEVI-STRAUSS : « La pensée sauvage » ,est quasiment impossible.
L’auteur inaugure son propos par une citation incomplète de Balzac,
in « Le Cabinet des antiques » :
« Il n’y a rien au monde que les sauvages , les paysans et les gens de province pour étudier à fond leurs affaires dans tous les sens ; aussi quand ils arrivent de la pensée au fait, trouvez-vous les choses complètes. »
Il est ici hors de propos de comparer l’ingénieur, le bricoleur, le primitif ; et l’inventeur .
Plus intéressante est la dynamique de la démarche comme le soulignait un spécialiste des plans d’expérience »(*)
« Face à un problème, oubliez vos stratégies du quotidien et raisonnez comme, si, au lieu d’être a votre travail, vous êtiez chez vous , un dimanche, avec le souci de régler le problème comme un paresseux intelligent »
(*) L’emploi de l’outil statistique pour gérer un problème aux multiples paramètres de la façon la plus sûre et la plus rapide.